Télétravail : Cadre légal et injonctions contradictoires

mardi 17 mars 2020

Depuis le 12 mars 2020 et la fermeture annoncée des établissements scolaires, les enseignant·e·s du primaire comme du secondaire ont été confronté·e·s à une série d’injonctions contradictoires : convocation pour des réunions (harmonisation de la continuité pédagogique, conseils de classe, etc.), puis réunions interdites et enseignant·e·s prié·e·s de rester chez soi ; présence obligatoire dans les établissements pour l’accueil des enfants de soignant.e.s de moins de 16 ans, puis finalement accueil sur la base du volontariat... Le gouvernement multiplie les annonces et exige des personnels de s’assurer dans l’urgence de la « continuité pédagogique », sans prendre le temps de réfléchir aux modalités concrètes de sa mise en place et pousse tout le monde à l’usage du télétravail.
Le gouvernement s’appuie sur le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 définissant le télétravail comme : « toute forme d’organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux de son employeur sont réalisées hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication. » (art. 2) L’enseignement est-il réductible à l’usage des outils de la communication et de l’information ? La présence physique, les interactions avec les élèves et étudiant·e·s, la manipulation pour les plus jeunes... sont au cœur de notre métier. Et où est l’aspect « volontaire » du télétravail dans les discours du ministre ? L’article 5 précise même que « l’exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l’agent. Celle-ci précise les modalités d’organisation souhaitées, notamment les jours de la semaine travaillés sous cette forme ainsi que le ou les lieux d’exercice ».

À mesures exceptionnelles, fonctionnements exceptionnels ?

D’autres aspects posent question.
Le premier est la place accordée au temps de réflexion sur l’organisation et la possibilité du télétravail : tout arrêté ministériel de la Fonction Publique d’État autorisant le télétravail doit être pris après consultation du Comité Technique national compétent et fixer clairement les modalités d’exercice (nature et comptabilisation du temps de travail, sécurité, santé...) (art. 7 et 8). Etait-il donc tellement urgent d’assurer aux élèves quelques exercices par jour qu’on ne pouvait prendre le temps de consulter les instances compétentes et de mettre en place un travail serein pour les enseignant·e·s ? Le droit des élèves à vivre une fausse scolarité dans l’urgence plutôt que le droit de faire les choses dans les règles ?
Le second aspect concerne la protection des enseignant·e·s dans leurs conditions de travail. Le même décret est très explicite en la matière : « L’employeur prend en charge les coûts découlant directement de l’exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci. » (art.6)
Les modalités de ce télétravail pour les enseignant·e·s n’ayant pas été clairement établies, les hiérarchies font parfois du grand n’importe quoi. Les demandes des chef·fe·s d’établissement et des directeur.ice.s au sein d’une même académie vont d’une autonomie relative de chaque enseignant·e, à une surveillance et un contrôle systématique du travail transmis. Sans parler des collègues dépourvu·e·s d’ordinateur à leur domicile (ça existe !), des collègues résidant en milieu rural mal relié aux réseaux internet, des collègues qui ne possèdent qu’un seul poste informatique et dont les enfants doivent aussi travailler via cet outil ? Pourrons-nous compter sur une indemnisation visant à entretenir notre matériel personnel, à payer nos abonnements numériques, d’électricité, etc. ?

Se pose aussi la question de l’égalité des élèves devant de telles mesures. Même s’il semble important de penser au mieux une forme de continuité pédagogique, dès lors qu’elle est réfléchie dans sa mise en œuvre concrète, il faut également garder à l’esprit que tou·te·s les élèves ne sont pas logé·e·s à la même enseigne. Il ne s’agit pas seulement de posséder les outils de l’information et de la communication (et on attend les fameuses tablettes mises à disposition selon Blanquer !), il s’agit surtout d’en avoir la maîtrise. Mais plus encore, même si les élèves ont accès à des cours ou des devoirs via les outils numériques, leurs apprentissages ne seront pas de la même qualité. Certain·e·s pourront recevoir de l’aide et être suivi·e·s, leur travail sera vérifié et fait régulièrement, quand d’autres seront seul·e·s ou presque pour s’organiser. Il ne faut pas être dupe : il n’y a aucune « continuité » et elle n’est pas non plus pédagogique.

Enfin, Sud Éducation et d’autres organisations syndicales s’inquiétaient déjà en temps normal de la disparition ou du non renouvellement de nombreux postes d’enseignant·e·s titulaires. La bonne volonté des enseignant·e·s à proposer des cours et exercices en ligne à leurs élèves ne doit pas permettre d’économiser sur l’emploi. Ce usage des outils numériques est exceptionnel et doit le rester.


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