Exposition trop militante annulée à la mairie du 4ème

vendredi 25 septembre 2009

24/09/2009
L’extrême-droite fait vaciller à Lyon une expo sur des sans-papiers

SOCIÉTÉ - L’exposition "Les Chiffres ont un visage" était accrochée depuis
une dizaine de jours à la bibliothèque du 4e arrondissement de Lyon. Le
vernissage devait avoir lieu ce soir, avec la projection d’un film, et un
débat sur le sujet. Mais hier, tout a été annulé. La salle d’exposition a
été fermée au public. Motif : le travail du photographe Bertrand Gaudillère,
du collectif Item, serait trop "militant", "pas assez neutre" pour avoir sa
place dans une bibliothèque municipale. De fait, Bertrand Gaudillère est un
photographe militant. Le travail qu’il mène auprès de sans-papiers l’est
aussi. Sans ambiguïté aucune. Et sans qu’il ne s’en soit jamais caché.
Pourquoi alors cette annulation de dernière minute ? Hier, toute la journée,
la bibliothèque et la mairie du 4è arrondissement ont reçu des plaintes
"d’habitants", furieux de cette exposition prenant la défense des
sans-papiers. Des appels initiés par les Jeunes Identitaires Lyonnais,
groupuscule d’extrême-droite qui évolue dans la mouvance du Bloc identitaire
(1). Quelques heures avant les plaintes, dans la nuit, ces "Identitaires"
appelaient sur leur site les militants à harceler la bibliothèque et la
mairie, pour faire annuler cette expo. Le piège aura fonctionné durant 24
heures. Dans l’après-midi, Patrick Bazin, directeur de la bibliothèque
municipale de Lyon, décidait de rouvrir l’expo et de rétablir le vernissage…

"Il y a des soucis sur cette exposition." (…) "C’est sur la bonne voix
d’être annulé". (…) "On a déjà reçu un mail qui est remonté". Les Jeunes
Identitaires Lyonnais ont mis en ligne la bande son de leur trophée de
guerre : un coup de fil à la bibliothèque du 4e arrondissement où l’un
d’entre eux s’est fait passer pour un administré choqué par l’exposition et
demandant son annulation. En face, l’employé, le rassure, lui explique que
l’expo qui pose "soucis" va de toute façon être annulée.
Bertrand Gaudillère, le photographe, a en effet été informé de l’annulation
de son vernissage dans la journée de mercredi. "Un gars de la bibliothèque
m’a appelé, raconte-t-il. Il m’a expliqué que mon travail était trop engagé
et trop militant pour avoir sa place dans une bibliothèque. Apparemment,
cela aurait pu passer si j’enlevais les textes qui allaient avec les
photos." Le photographe est atterré. Et surpris. L’exposition est prévue
depuis le mois de juin, accrochée depuis une dizaine de jours. "Si, dès le
départ, on m’avait dit que mon travail était trop engagé pour être accroché
dans une bibliothèque, je l’aurais compris. Mais, là, cela ne veut rien
dire". Bertrand Gaudillère aurait aimé une explication claire.
Patrick Bazin, le directeur de la bibliothèque municipale de Lyon, explique
avoir été alerté mercredi matin sur les "questionnements posés en interne"
par cette exposition et ce débat. Il n’a jamais soupçonné "une seule
seconde" que ces problématiques aient pues être soufflées par des pressions
déguisées d’un groupuscule d’extrême-droite. Et, de toute façon, assume.
"Effectivement, ce débat, tel qu’il était organisé, ne respectait pas notre
devoir de pluralisme. Je ne veux pas que la bibliothèque municipale soit
perçue comme un lieu de militance" (…)"Je n’ai rien contre les sans-papiers,
ni contre ceux qui les défendent, mais je crois que nous devons, dans notre
mission de service public, être soucieux d’un certain équilibre".
Position politique partagée par les élus concernés. A la mairie du 4è
arrondissement, on tente d’expliquer que le problème n’est pas lié aux
photos de Bertrand Gaudilllère mais au débat organisé ce jeudi soir à
l’occasion du vernissage. "Il y avait deux problèmes. Un problème de
déséquilibre du débat. N’étaient invités que des personnes qui défendaient
la même position. Le second problème est lié à la présence de sans-papiers à
ce débat. Est-ce qu’une bibliothèque peut réellement accueillir des
personnes qui sont hors-la-loi et pour qui être là pour représenter un
risque ?", explique Dominique Bolliet, le maire socialiste de la mairie du
4è arrondissement. Il parle de la nécessaire "neutralité".Les mots sonnent
curieusement dans la bouche d’un élu socialiste dont la mairie organise des
parrainages républicains. D’autant que les deux arguments exposés sont les
mêmes que dans le post des Identitaires. "Non seulement cette exposition a
une orientation politique assumée mais en plus elle est illégale", écrivent
les militants du groupuscule pour justifier leur opération de lobbying.
Les Identitaires sont des habitués de ce genre de pressions en sous-marins.
Ils utilisent notamment ce procédé pour tenter de faire annuler des concerts
de raps. La plupart du temps, ils échouent.

Alice Géraud
(1) La mouvance "Identitaire" est née de la dissolution d’Unité radicale,
groupe d’extrême-droite ont était issu Maxime Brunerie, auteur de la
tentative d’attentat contre Jacques Chirac lors du défilé du 14 juillet
2002. Les Identitaires sont des militants ultra-nationalistes, spécialistes
du lobbying et des actions violentes.


Sur le Web : Source Bellacio